C'étaient les jours heureux de l'été.

Peu avant l'atterrissage, mon estomac s'était noué — événement sans précédent, mais comme mon dernier séjour là-bas remontait à l'hiver 2003, l'émotion était grande.
Puis, dès l'instant où mon pied a foulé le sol viennois, un (large) sourire est apparu sur mes lèvres, et ne m'a quasiment plus quittée du séjour.

J'ai retrouvé tous ces lieux tant aimés, dont certains furent au cœur de ma vie. J'ai effectué ce voyage tel un pèlerinage.


Fischer Bräu



La plus grande émotion fut de retrouver le Fischer Bräu.
Sans les cours d'été à l'université, L. et moi n'aurions certainement pas résidé dans le 19ème, dans ce Studentenheim à deux pas du Fischer Bräu. Il n'y aurait pas eu ces soirées douces et insouciantes autour d'une tartine et d'une bière maison.

Les tables et chaises jaunes de la terrasse, les guirlandes lumineuses, les cuves de bière que l'on entrevoit derrière les vitres, les grandes tablées d'amis, tout était là, comme avant. À l'intérieur, il y avait la même lumière cuivrée au-dessus de chaque table. À la carte, les mêmes plats, simples mais généreux et savoureux.
Je me suis laissée tenter à deux reprises par leur Wiener Schnitzel, qui est tout simplement parfaite : une escalope fine et tendre, une panure croustillante juste ce qu'il faut, le tout contrebalancé par la fraîcheur de la salade de pommes de terre qui l'accompagne. Je n'en ai jamais mangé ailleurs qu'au Fischer Bräu, de peur d'être déçue. Le premier soir, j'ai choisi un Mailänder Toast (jambon blanc, poivron vert cru et fromage gratiné sur une grande tranche de pain de campagne), pour retrouver le goût de l'été 1997. Et bien sûr, il y eut aussi les gebackene Mäuse, ces gros beignets ronds croustillants arrosés de sauce chocolat et accompagnés de tranches de poire et d'une compotée d'airelles.
Le Fischer Bräu est un univers rassurant par son côté immuable. C'est là que nous avons passé toutes nos soirées, au milieu de cette foule d'habitués (le lieu est quasiment vierge de tout touriste).











Fischer Bräu
Billrothstrasse 17
A-1190 Wien
01 369 59 49
Ouvert tous les jours, de 16h à 1h
Comment s'y rendre : prendre le tramway n°38 à Schottentor et descendre à l'arrêt Glatzgasse (10-15 minutes de trajet).

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Café Diglas



Il y eut bien un prélude lors du fameux été 1997, mais c'est durant l'année viennoise, au cœur de l'hiver, que j'ai fait du Café Diglas mon Stammcafé, ma deuxième maison.
Pourquoi ce café précisément et pas un autre ? Parce que j'ai aimé l'atmosphère de ce lieu et que je m'y suis tout de suite sentie bien. C'était un café historique, mais pas envahi de touristes comme certains autres. Je pouvais y rester des heures à lire, à corriger des copies, à écrire de longues lettres à mes amis, à feuilleter un journal (Der Standard, Der Falter, Le Monde...), ou encore à rêvasser et à observer les autres habitués.
On y mangeait très bien. S'il m'arrivait parfois d'y déjeuner, le moment que je préférais était tout de même l'heure du goûter. Apfelstrudel, Topfenstrudel (fromage frais), Marillenstrudel (abricots), Kaiserschmarrn, Sachertorte (moins bonne toutefois qu'à l'Hotel Sacher), les tentations ne manquaient pas. En revanche, les pâtisseries pleines de crème, les Mozartbomben, Rouladen et autres Schnitten ne me faisaient aucune envie.
Je nourrissais une passion secrète pour Stefan, le serveur gouailleur et néanmoins élégant (mais plus très jeune), qui m'appelait "Madame" malgré mon apparence juvénile et mon look très peu féminin de l'époque. J'admirais sa capacité à allier classe et décontraction, c'était un plaisir que de le voir à l'œuvre.

En franchissant la porte du café, j'ai revu le passé ressurgir avec une douce nostalgie, sans regret aucun. Stefan n'était plus là depuis longtemps, mais le Topfenstrudel et l'Apfelstrudel étaient toujours aussi délicieux : ils correspondaient exactement au souvenir que j'en avais gardé.









Café Diglas
Wollzeile 10
A-1010 Wien
01 512 57 65
Ouvert tous les jours, de 8h à 22h30

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Kleines Café



J'ai eu beau chercher, je n'ai pas réussi à remettre la main sur ce cliché en noir et blanc et un peu flou du Kleines Café, pris un jour de l'été 1997 avec un vieil appareil photo prêté par L. C'était L., justement, qui m'avait fait découvrir ce café de poche situé sur une petite place tranquille du centre ville. Nous nous y étions rendus une ou deux fois ensemble, mais de ces moments, il ne me reste rien, ou presque. Les souvenirs sont devenus trop flous au fil des années (il semblerait que ma mémoire n'ait gardé que les soirées au Fischer Bräu).
Pourtant, ce matin-là, j'ai aimé m'asseoir à nouveau sur la banquette en cuir du Kleines Café, observer le jeu de miroirs, les petites lampes, les journaux suspendus à la porte. Tout comme autrefois, je me suis enthousiasmée pour cette minuscule place, au fond à gauche, permettant de s'accouder au bar (ceux qui connaissent le café sauront de quoi je parle). J'ai bien aimé le dôme de mousse de lait surplombant mon Melange, et l'amabilité du serveur (à qui j'ai demandé le chemin pour la Sargfabrik - littéralement "fabrique de cercueils" — et qui m'a montré sur mon plan qu'il fallait prendre la U3 jusqu'à la Westbahnhof, puis le bus n°52). Un chouette moment.





Kleines Café
Franziskanerplatz 3
A-1010 Wien
Ouvert tous les jours, de 10h à 2h

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MAK & Österreicher im MAK



Sans que je puisse vraiment l'expliquer, j'ai toujours eu un faible pour le MAK. Ce musée exerçait une très forte attraction sur moi. J'aimais l'édifice en brique rouge, les meubles Art Déco, les objets des Wiener Werkstätte (mais encore plus les esquisses !), l'allée de chaises en ombres chinoises, le grand escalier et ses lampes pointues, les banquettes du premier étage, le pan de mur qui se détache à l'extérieur, la reconstitution de la Frankfurter Küche ainsi que les canapés, les tissus à motifs et les porcelaines chinoises du sous-sol. Je me souviens du cube de lumière bleue de James Turrell, des sacs en toile de jute de Jannis Kounellis, des tableaux et photographies de Dennis Hopper, et aussi des collages et recherches graphiques d'Oswald Oberhuber (qui m'avaient enchantée) : les expositions temporaires étaient toujours pleines de surprises.

En ce jour de juillet 2010, j'ai été "amusée" par les tableaux de l'exposition nord coréenne, dans le plus pur style du réalisme socialiste ; émerveillée par les détails de dentelle microscopiques, semblables à des cristaux de neige, dans la salle Renaissance Barock Rokoko ; mais terriblement déçue par l'interdiction qui est désormais faite de prendre des photos à l'intérieur du musée, interdiction que j'ai ressentie comme une trahison parce qu'à l'époque, c'était autorisé, et je ne m'en étais pas privée.
Nous avons découvert l'Österreicher im MAK, réincarnation du MAK-Café d'autrefois, où nous avons fait une courte pause : bière pour lui, orange pressée pour moi. À notre grand regret, il n'y avait plus de plat du jour.
Le grand lustre fait de bouteilles de verre me plut énormément, tout comme l'alignement de banquettes près des fenêtres, ou les touches de couleur sur les tables hautes. J'aurais aimé y retourner, mais nous avons manqué de temps...








MAK (Museum für Angewandte Kunst)
Stubenring 5
A-1010 Wien
01 711 360
Mar : 10h-24h
Mer-dim : 10h-18h
Fermé le lundi.
Gratuit le samedi (!)

Österreicher im MAK (café)
01 714 01 21
Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 24h.

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Trzesniewski



Les petites tartines de Trzesniewski m'ont toujours amusée à cause des dessins humoristiques un peu absurdes de Tex Rubinowitz (qui sévit également au Falter) : par exemple, un homme qui essaie tant bien que mal de prononcer "Trzesniewski" et à qui on répond "à tes souhaits", ou bien un écureuil qui demande au comptoir "pas de Pfiff, mais un jus de noisettes". Tex Rubinowitz a un sens de l'humour bien à lui. Cet esprit se retrouve dans le nom de la tartine "Ei mit Ei" = "oeuf avec oeuf", que j'aime beaucoup.
Ces petits rectangles de pain recouverts de diverses tartinades sont à déguster à toute heure de la journée, sans chichi, avec un Pfiff ou un mini verre de jus de pomme. Tout le plaisir réside dans ces portions lilliputiennes assez inhabituelles, dans la comparaison des différents canapés choisis et, pour finir, l'établissement d'un palmarès personnel. "Ei mit Ei", justement, et "Speck mit Ei" font partie de mes favoris.







Trzesniewski
Dorotheergasse 1
A-1010 Wien
01 512 32 91
lun-ven : 8h30-19h30
sam : 9h-17h

Il existe plusieurs filiales dans les arrondissements extérieurs, notamment une sur la Mariahilferstrasse.

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Café Hawelka



Du temps où il était encore là, Leopold Hawelka, même à un âge très avancé, accueillait et installait personnellement chacun de ses clients : il se débrouillait toujours pour leur trouver une place, et il n'était pas question de s'installer sans y avoir été invité auparavant.
Il prenait ses repas à une petite table au fond du café, en face de la porte d'entrée ; je l'ai vu une fois : c'était très émouvant d'assister à une telle scène, de voir ce vieil homme toujours fidèle au poste plus de soixante ans après l'ouverture du café (pendant la Seconde Guerre Mondiale, rendez-vous compte !). Très émouvant quand on pense qu'il y a consacré sa vie entière.
Josefine Hawelka, elle, était réputée pour ses Buchteln : chaque soir, autour de 22h, il en sortait une fournée que l'on pouvait déguster tout chauds, saupoudrés de sucre glace. Un moment de ravissement.

Aujourd'hui, Leopold et Josefine Hawelka ne sont plus. Vous entrez dans le café, on vous laisse vous installer. Tout se perd... Mais le décor n'a pas bougé d'un iota (sauf les affiches et posters, sans cesse réactualisés — et je n'avais jamais remarqué ce dessin de Siné sur le mur le long de l'entrée). Le café est toujours servi sur un plateau en inox, avec la petite cuillère perchée sur le verre d'eau (comme dans tous les bons cafés) et les deux morceaux de sucre dans la minuscule coupelle. Et les Buchteln, sortant tout juste du four, restent fabuleux : ce sont (toujours) les meilleurs de la ville. On en redemanderait, même quand on a déjà avalé une Wiener Schnitzel géante et des gebackene Mäuse une heure plus tôt...







Café Hawelka
Dorotheergasse 6
A-1010 Wien
01 512 82 30
lun, mer, sam : 8h-2h
dim et jours fériés : 10h-2h
fermé le mardi

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Das Salettl



Avec Ch., les débuts avaient été un peu compliqués. Elle était professeur de français dans le lycée où j'avais été affectée, et plusieurs fois par semaine, j'allais faire cours dans ses classes. À l'époque débutante, je n'avais aucune expérience dans l'enseignement, mes cours n'étaient pas toujours bien préparés et elle m'a "recadrée" plus d'une fois... Son exigence, au départ si difficile à satisfaire, fut salutaire pour moi : elle me permit d'apprendre beaucoup, et de progresser au fil des mois.
Un jour, au cœur de l'hiver, elle m'emmena dans un petit pavillon, perché en haut d'une colline avec vue sur la forêt viennoise, pour un goûter en tête-à-tête. Un moment précieux, parce qu'elle me faisait découvrir un endroit qu'elle aimait, un lieu pour initiés. Et parce qu'elle m'offrait son amitié (elle m'avait invitée à dîner chez elle aussi, dans un appartement exigu du 9ème arrondissement, et je l'avais également invitée chez moi : j'avais fait des crêpes à cette occasion).

En arrivant à Vienne, je ne savais plus du tout comment s'appelait cet endroit, ni où il se situait ("en haut d'une colline au fin fond du 19ème" était mon seul souvenir)... Ce n'est qu'après avoir longuement cherché dans mon guide que j'ai réussi à le retrouver : Salettl ! C'était ça ! Ce nom m'était familier.
C'est là que nous avons choisi de commencer nos journées : après un trajet en bus qui nous faisait traverser des quartiers résidentiels huppés, nous prenions notre petit déjeuner sur une terrasse entourée de verdure, avec vue sur les collines environnantes. Une parenthèse bucolique vraiment, vraiment chouette.
Il n'est pas de meilleur endroit que le Salettl pour démarrer la journée.









Das Salettl
Hartäckerstrasse 80
A-1190 Wien
01 479 22 22
Ouvert tous les jours, de 6h30 à 1h30
Comment s'y rendre : prendre le bus n°40A à Schottentor (là, vous comprenez pourquoi je choisis toujours une pension située à proximité de Schottentor) et descendre à l'arrêt Döblinger Friedhof (environ 20 min de trajet).

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Café Berg


Durant les mois solitaires de l'hiver 1998-99, il m'arrivait souvent de fréquenter des cafés gays & lesbiens : je déjeunais de temps à autre au Café Berg, et j'aimais bien aller dîner au Café Willendorf, un bar de filles sur la Linke Wienzeile. Le milieu homosexuel n'était pas un ghetto et tout le monde pouvait fréquenter ces cafés, sans discrimination. Je trouvais ça bien.
En retournant au Café Berg (à deux pas de notre pension et de la maison de Sigmund F.), j'ai pu voir que c'était toujours vrai, que le milieu homosexuel ne s'était pas refermé sur lui-même, qu'on pouvait toujours se mélanger dans ces endroits : dans la salle, avec nous, il y avait un couple d'un certain âge, un homme seul avec son journal, des amies qui se retrouvaient...

Café Berg
Berggasse
A-1090 Wien
01 319 57 20
Ouvert tous les jours, de 10h à 1h

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La suite dans quelques jours...

* Expression empruntée à Gracianne.

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