Combien de temps avant le feu de joie et le soleil à plein temps ?
Published by Louis in Benjamin Biolay, Comédie Française, Fooding, hors-sujet, MAC/VAL, théâtre, Thierry Hancisse
Mercredi, je vais chercher mes sacs de fruits et légumes chez la fleuriste. Des pivoines couleur corail, encore fermées, attirent mon regard : la fleuriste (qui aime bien les feuilles de ginkgo que j'ai aux oreilles) me confie qu'elles vont s'ouvrir très vite et changer de couleur tous les jours. Comment résister ? Je lui en prends un petit bouquet.
Une heure après, elles sont déjà ouvertes.
Jeudi, les pivoines sont d'un rose éclatant.
Avant le théâtre, j'arrive un peu en retard au Kunitoraya, mais les zaru udon, les tempura et le katsudon sont toujours aussi délicieux. J'aime cette idée rassurante d'un endroit où les plats sont invariablement bons. Mon poulet, qui ne m'a pas vue le matin, me trouve très jolie dans ma robe noire inaugurée pour l'occasion.
Un peu plus tard, le rideau rouge se lève, et je découvre un Feydeau dont l'humour linguistique m'enchante au plus haut point (la leçon de phonétique du 3ème acte, en particulier, est un sommet de drôlerie — n'oubliez pas que c'est une linguiste qui vous parle). À la fin de la pièce, le visage ravagé par les larmes, je ne résiste pas à l'envie d'aller retrouver le Général au Nemours pour lui dire à quel point j'ai été soubjouguée par son interprétation.
Impatience, maintenant, de le voir dans le rôle de Mackie Messer.
Vendredi, les pivoines commencent à pâlir très légèrement.
A 12h15 très exactement, je saute dans un taxi pour aller retrouver deux amies un peu américaines au Cartouche Café. Discussion à bâtons rompus sur les chambres de bonne parisiennes, les cuisines-placards, les concours aux grandes écoles, et puis l'Italie aussi. L'espace d'un repas, j'oublie l'ambiance sinistre du bureau et les collègues rustres. Je repars avec un beau cahier rouge contenant des recettes de biscuits calligraphiées et illustrées à l'ancienne, façon cahier d'écolier ; vais devoir me mettre à l'italien.
Samedi, le rose pâle des pivoines vire au jaune.
Après une longue sieste et une interminable séance d'habillage (question cruciale : comment faut-il s'habiller pour aller voir Benjamin Biolay ?), au terme de laquelle j'opte pour une sage robe en lin beige, nous nous mettons en route pour le MAC/VAL.
D'ordinaire plutôt rétive à l'art contemporain (et perplexe face aux peluches en lambeaux d'Annette Messager ou au tombeau de Zgougou par Agnès Varda — que j'aime bien pourtant), je suis bouleversée par la série de clichés de Michel Aguilera représentant des vêtements déchiquetés-brûlés de Hiroshima.
Tatsuya, 14 ans, collégien en 2ème année, se trouvait dans la cour de récréation de l'école lorsque la bombe explosa. Brûlé sur tout le corps il tenta désespérément de fuir par la route détruite, mais s'effondra à mi-chemin de Kusatsu où se trouvait la maison. Il fut transporté à son domicile par des voisins qui le reconnurent. La peau collée aux vêtements par les brûlures, sa mère dut le dévêtir avec des ciseaux. Comme il n'y avait pas de médicaments, il fut traité à la teinture de pomme de terre et on devait chaque jour lui retirer une à une les larves de mouches qui se développaient sur ses plaies infectées. Tatsuya resta immobilisé ainsi plus d'un mois et mourut en appelant sa mère, le matin du 16 septembre.

Ce soir-là, dans les jardins du MAC/VAL, tout absorbée par la présence de B. Biolay dans les parages, puis sur scène, je ne prête qu'une vague attention au bon miam qui nous est proposé. Les cocktails alcoolisés auront un formidable effet désinhibant.

Dimanche soir, les pivoines devenues jaune clair, laissent peu à peu tomber leurs pétales.
J'ai passé une merveilleuse semaine.
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