C'était quand il faisait encore chaud, le mois de juin touchait à sa fin.
Nous venions de faire de jolies trouvailles de soldes — des pulls et une marinière ultra douce pour lui, une veste en lin et une étole d'homme pour moi — et de nous restaurer de udon rafraîchissants, de tempura et de katsudon à l'adresse japonaise préférée de mon poulet. Il était encore tôt pour le théâtre, alors nous avons fait un tour dans les jardins du Palais Royal en attendant, un peu las de la chaleur écrasante de ce début d'été. L'orage éclata plus tard, tandis que nous suivions les aventures de Mackie Messer et de la famille Peachum dans les bas-fonds de Londres. Pendant l'entracte, nous avons trouvé une fraîcheur inattendue sur la terrasse : il pleuvait, enfin !

Ce n'était sans doute pas la meilleure mise en scène qui fût de la fameuse pièce de Brecht (inspirée du Beggar's Opera de John Gay), mais la critique sociale reste d'actualité, et la musique de Kurt Weill me met toujours en joie. Je n'ai pu m'empêcher, les jours suivants, de réécouter les morceaux en version originalemais pas seulement. Tout cela m'a rappelé mes jeunes années de germaniste.


Les semaines suivantes, nous avons continué nos expéditions gourmandes. Tantôt au Boca Mexa, le snack mexicain de la rue Mouffetard, qui fait de chouettes burritos et quesadillas — il faut goûter aux nopales, dont la texture très tendre rappelle un peu celle des haricots verts —, tantôt au Saravanaa Bhavan, dont l'interminable menu commence à nous paraître un peu moins obscur : notre dernier coup de cœur fut l'onion rava masala dosa, conseillé par un voisin de table, une fine crêpe croustillante renfermant une écrasée de pommes de terre incroyablement savoureuse.



Une autre fois, c'était un déjeuner à l'Ébauchoir, assez sympathique, suivi d'une balade dans le 12ème. Des avions de guerre sont passés au-dessus de nos têtes dans un vacarme tonitruant — pour la répétition de vous-savez-quoi. Impression étrange.
Notre point de mire était Raimo, ce glacier dont j'avais tant entendu parler — David Lebovitz l'évoque abondamment dans The Perfect Scoop. Installés à la terrasse, nous avons hésité un moment devant les prix des coupes de glaces avant d'opter finalement pour une Palette de Couleurs Raimo, qui nous permit de goûter à huit parfums différents. Déception sur le sorbet cacao aqueux et insipide — le sorbet au chocolat de David Lebovitz est bien meilleur ! En revanche, les autres parfums étaient superbes, en particulier le caramel au beurre salé, riche et onctueux, et le sorbet au citron vert et basilic, une merveilleuse surprise, tout en finesse et parfaitement équilibré.


Un week-end où je me trouvais seule — avec une praluline pour unique compagnie —, une amie est venue déjeuner à la maison.
Elle m'avait demandé si elle pouvait apporter quelque chose ; je lui avais répondu "de la bonne humeur et plein de choses à raconter". Et ce fut le cas — bien qu'il y eût également une boîte d'émietté de thon Zanzibar. J'ai aimé cette discussion dans la cuisine, pendant que je lavais le riz et m'appliquais à émincer les crudités, et aussi celle qui suivit le repas, sur le canapé, jusqu'en début de soirée.
Avant de partir, elle m'a demandé si cela me dirait que l'on cuisine ensemble... Moi qui me sens parfois si seule dans ma cuisine, je n'ai pas hésité une seconde : bien sûr que ça me dit !


Depuis, j'ai continué ma cure de tartelettes — désormais interrompue pour celles de Christophe Vasseur — et repris le chemin des salles obscures. Je confesse un penchant pour les petites salles fréquentées par le troisième âge, et les séances du matin. C'est ainsi que je me suis retrouvée en compagnie de trois autres personnes seulement à la première séance du nouveau film de Michael Winterbottom. Steeve Coogan et Rob Brydon, deux acteurs british interprétant leurs propres rôles, partent pour une virée gastronomique dans le nord de l'Angleterre, en mission pour le journal The Observer. J'ai adoré leurs discussions délirantes et absurdes, les concours d'imitations de voix d'acteurs — et encore plus le débat sur le degré de nasalité de la voix de Michael Caine —, leur rivalité infantile. Et aussi quand ils entonnent Wuthering Heights au milieu de la lande anglaise ou quand ils mettent toutes leurs tripes dans l'interprétation d'un tube sirupeux d'Abba. Coogan — celui du film, en tout cas — est prétentieux et Brydon — idem — assez pénible par moments, mais le duo fonctionne à merveille. The Trip est un road movie gastronomique dans lequel la nourriture est reléguée au second plan, mais je m'interroge encore sur l'omniprésence des Saint-Jacques et pétoncles au début du film.

(De M. Winterbottom, je n'ai vu qu'un seul autre film, très noir, mais tout aussi éblouissant : Jude, adapté du roman de Thomas Hardy. L'avez-vous vu ? Kate Winslet et Christopher Eccleston y interprètent respectivement Sue et Jude, deux personnages magnifiques, fiers, auxquels la société ne laissera aucune chance. Un film qui vous prend à la gorge tant il est beau et tragique — l'intensité et la dureté de certaines scènes ne laissent pas indemne.)

Il y eut d'autres films aussi, mais je crois que j'ai dépassé la longueur autorisée sur ce billet — j'espère que vous ne ferez pas d'indigestion... Je vous laisse avec un dessert frais et léger qui a clos plusieurs de nos repas d'été. Merci Gracianne !

Granita di fragole (recette trouvée ici)


pour 4 verres environ

10 cl d'eau
50 g de sucre
jus d'un demi citron
200 g de fraises

Porter l'eau à ébullition avec le sucre et le jus de citron. Laisser 1-2 minutes jusqu'à l'obtention d'un sirop. Laisser refroidir.
Dans le bol d'un mixer, verser le sirop, ajouter les fraises coupées en morceaux et mixer finement.
Verser le mélange obtenu dans un bol en inox, couvrir et laisser au congélateur toute une nuit.
Au moment de servir, gratter la surface du granité avec une fourchette et répartir dans des verrines.
Décorer éventuellement de fruits frais, de crème chantilly, de menthe fraîche, au choix.
Déguster sans attendre.

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